
Make or Buy : Le dilemme stratégique de l'IA générative
Au cours de mes échanges avec des dirigeants, des responsables techniques et des responsables produits, une question revient systématiquement lorsqu’il s’agit d’adopter l’intelligence artificielle générative au sein de l’entreprise : faut-il développer sa propre solution ("make") ou en adopter une déjà existante sur le marché ("buy") ? Ce dilemme "make or buy" s’est intensifié avec l’essor d’outils tels que ChatGPT, Midjourney ou DALL·E, qui ont transformé nos façons de concevoir le travail, d’innover et d’interagir avec nos clients.
En réalité, ce choix n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Chaque option comporte des avantages et des inconvénients, qu’il s’agisse du coût, du time-to-market, du niveau de personnalisation, ou de l’effort nécessaire pour embarquer vos équipes vers une nouvelle ère technologique. Il n’existe pas de réponse universelle, car chaque entreprise est unique. L’important est de disposer d’une grille de lecture claire et de stratégies adaptées pour faire le meilleur choix. Chez Atomly AI, j’accompagne régulièrement des entreprises dans cette réflexion, afin de trouver le juste équilibre entre la rapidité d’exécution, la maîtrise technologique et l’adoption par les utilisateurs.
Dans cet article, je vous propose de plonger en profondeur dans ce dilemme. Nous verrons ensemble les facteurs clés de décision, l’importance d’impliquer les équipes, les stratégies hybrides qui combinent le meilleur des deux mondes, et les enjeux à long terme que cette décision implique. Mon ambition est de vous offrir une vision claire, concrète et pragmatique pour que vous puissiez faire un choix éclairé, soutenu par une réflexion stratégique solide.
Le dilemme "make or buy" en IA générative : un choix stratégique majeur
L’expression "make or buy" est un concept largement répandu dans le monde de l’entreprise. Appliquée à l’IA générative, elle se cristallise autour d’un choix fondamental :
- Make : Développer en interne sa propre solution d’IA générative, en s’appuyant sur des modèles open-source (comme LLaMA, Falcon, etc.) ou des frameworks spécialisés, puis en la formant sur des données internes.
- Buy : Acheter une solution existante, fournie par un acteur technologique majeur (OpenAI, Microsoft, Google) ou par une entreprise spécialisée, et l’intégrer directement dans votre écosystème.
Pourquoi ce choix est-il aujourd’hui devenu critique ? Parce que l’IA générative s’impose de plus en plus comme un outil stratégique, capable d’automatiser les tâches, d’améliorer l’expérience client, de fournir des réponses personnalisées et de générer de la valeur ajoutée, qu’il s’agisse de contenu, de design, ou même d’aide à la décision. L’enjeu est donc de rester compétitif dans un contexte où la rapidité, la flexibilité et la pertinence des solutions technologiques font la différence.
Les défis, cependant, sont nombreux. Les coûts de mise en œuvre peuvent s’envoler, l’intégration aux outils existants n’est pas toujours aisée, et la personnalisation du modèle pour répondre à des besoins métier spécifiques exige du temps et de l’expertise. Dans le même temps, l’adoption par les collaborateurs n’est pas garantie : ils peuvent déjà être habitués à ChatGPT ou à d’autres outils grand public, rendant plus complexe la transition vers une solution interne potentiellement moins intuitive au départ.
Les facteurs de décision clés : coûts, time-to-market, personnalisation et intégration
Pour éclairer le dilemme, il est utile de se pencher sur quelques facteurs de décision clés.
Coûts directs et indirects
En "buy", les coûts se matérialisent souvent sous forme de licences, d’abonnements, ou de coûts liés à l’utilisation d’une API (par exemple, celle d’OpenAI). Cette approche permet d’obtenir un outil opérationnel rapidement, sans investir massivement dans le développement. En revanche, sur le long terme, cette dépendance à un fournisseur externe peut engendrer une hausse des coûts, surtout si l’on dépasse certains volumes de requêtes.
En "make", les coûts initiaux sont plus élevés : infrastructure, recrutement d’experts en IA, développement de l’outil, maintenance. Mais, in fine, vous gagnez en autonomie et vous évitez de payer continuellement un service externe. Le calcul du coût total de possession (TCO) sur le moyen et le long terme est donc un élément stratégique de la décision.
Time-to-market
Le "time-to-market" est souvent un critère déterminant. Si votre entreprise cherche à déployer rapidement une solution pour répondre à une demande urgente (par exemple, améliorer la relation client durant une phase de forte croissance), opter pour une solution "buy" peut faire sens : vous bénéficiez d’un outil clé en main, généralement éprouvé, et vous pouvez le déployer presque immédiatement.
À l’inverse, le "make" est un marathon plutôt qu’un sprint. Cela prend plus de temps, exige des ressources internes solides, et implique un cycle de développement et de test plus long. Mais à terme, cette solution sera parfaitement alignée sur vos besoins métier et vos processus internes, offrant une personnalisation et une évolutivité supérieures.
Personnalisation
La personnalisation est un atout majeur de la stratégie "make". En développant en interne, vous avez la possibilité de former le modèle sur vos données, d’intégrer des spécificités sectorielles ou métiers, et de construire une solution véritablement sur-mesure. C’est particulièrement pertinent si votre entreprise opère dans un secteur avec des contraintes réglementaires fortes, des terminologies très spécifiques, ou des processus uniques.
Pour autant, de plus en plus de fournisseurs de solutions "buy" proposent aussi des options de personnalisation. Par exemple, Microsoft Azure OpenAI ou Google Cloud AI offrent des APIs et des outils permettant d’ajuster le modèle à vos données. Certes, le niveau de personnalisation est souvent moins profond qu’une solution entièrement interne, mais il peut suffire dans la plupart des cas.
Évolutivité et intégration
L’IA générative ne vit pas en vase clos : elle doit s’intégrer dans un écosystème existant (CRM, ERP, CMS, outils collaboratifs, etc.). Avec une solution "buy", vous bénéficiez souvent d’intégrations déjà pensées avec les environnements Microsoft, Google, ou d’autres suites logicielles. Cela facilite la mise en place et limite les frictions techniques.
En "make", vous contrôlez entièrement l’architecture et les interfaces, ce qui vous donne une flexibilité totale, mais exige un travail plus important de vos équipes techniques. L’avantage est que vous n’êtes pas limité par les fonctionnalités offertes par un fournisseur tiers.
Enjeux humains et organisationnels : au-delà de la technologie
Adopter l’IA générative n’est pas seulement une question de technologie, c’est aussi une aventure humaine. Les utilisateurs ont leurs habitudes, leurs préférences, et peuvent s’attacher à des outils préexistants. Par exemple, certains collaborateurs utilisent déjà ChatGPT ou d’autres applications basées sur l’IA, et y sont habitués. Imposer du jour au lendemain une solution interne moins performante ou moins familière risque de créer des résistances et de freiner l’adoption.
La gestion du changement est un élément central. Il s’agit de former les équipes, de communiquer sur les avantages de la nouvelle solution, d’impliquer les employés clés dans le processus de décision et de développement. Une IA, même ultra-performante, n’apportera pas toute la valeur escomptée si les utilisateurs finaux ne l’adoptent pas pleinement. L’expérience utilisateur, la simplicité d’utilisation, la qualité des résultats, et la cohérence avec les méthodes de travail sont autant de facteurs qui déterminent le succès final.
Stratégies hybrides : le meilleur des deux mondes
La bonne nouvelle, c’est que le dilemme "make or buy" ne se résume pas nécessairement à un choix binaire. De nombreuses entreprises optent aujourd’hui pour une approche hybride, combinant achat et développement interne.
Par exemple, vous pourriez acheter un modèle de base auprès d’un fournisseur réputé, comme OpenAI, puis le spécialiser en interne grâce à vos données et à vos expertises. Cette stratégie permet d’avoir un socle technologique robuste et éprouvé, tout en gagnant en personnalisation. Elle offre également la possibilité d’évoluer progressivement : vous commencez avec une solution "clé en main", puis vous internalisez peu à peu certaines briques de l’outil, en fonction de vos ressources, de vos compétences et de vos ambitions.
Les partenariats stratégiques sont également un levier puissant. Collaborer avec Microsoft, OpenAI, ou d’autres acteurs clés peut permettre de bénéficier d’un soutien technique, de formations dédiées, de mises à jour régulières, et d’un écosystème complet de solutions et d’intégrations. Par exemple, j’ai accompagné une entreprise dans le secteur du tourisme qui a commencé par intégrer un modèle conversationnel acheté (sur Azure OpenAI), puis a développé en interne des modules spécialisés pour la génération de contenu marketing, capitalisant sur des données internes sur les préférences clients.
Ce type d’approche hybride peut s’appliquer à de nombreux cas d’usage :
- Automatisation de tâches : combiner un modèle externe pour la compréhension du langage avec un moteur interne dédié à la gestion des processus métier.
- Génération de contenu : s’appuyer sur une plateforme existante pour la production de textes tout en intégrant des règles internes de style, de ton, ou de conformité réglementaire.
- Personnalisation industrielle : importer un modèle pré-entraîné dans un secteur généraliste (par exemple, retail), puis y injecter des données internes spécifiques à votre environnement, votre catalogue produit, ou votre langage métier.
Penser au long terme : gouvernance, compétences et avantage compétitif durable
Au-delà du choix immédiat, il est important d’avoir une vision à long terme. L’IA générative est un champ en évolution rapide. Les modèles, les technologies, les bonnes pratiques se renouvellent à une vitesse impressionnante. Il faut donc penser cette décision comme un investissement stratégique, capable de générer un avantage concurrentiel durable.
- Gouvernance : Mettre en place une gouvernance solide, avec des processus de validation, de mise à jour, de supervision du modèle. Cela est particulièrement vrai dans les environnements régulés (secteur bancaire, médical, légal), où l’IA doit opérer en conformité avec la réglementation.
- Stratégie de montée en compétences : Que vous choisissiez de "buy" ou de "make", vous devrez développer les compétences internes nécessaires. Cela passe par la formation des équipes, le recrutement de profils spécialisés, et la création d’une culture d’entreprise orientée vers l’innovation et l’expérimentation.
- Anticipation des évolutions technologiques : Les modèles d’IA générative s’améliorent sans cesse. Anticiper les évolutions, rester à l’affût des innovations, et être prêt à ajuster votre approche font partie intégrante d’une stratégie pérenne. Une solution achetée aujourd’hui peut nécessiter d’être remplacée ou adaptée dans quelques mois. Une solution développée en interne devra être maintenue et réentraînée régulièrement.
Conclusion : une matrice de décision pour guider votre choix
Le choix "make or buy" en IA générative est un dilemme complexe, mais pas insurmontable. Chaque entreprise a ses priorités, ses contraintes, et sa propre définition de la valeur. La clé est de s’appuyer sur une réflexion structurée, de tester, d’apprendre, et d’avancer étape par étape.
Ci-dessous, je vous propose une matrice décisionnelle simplifiée. Elle n’a pas vocation à être exhaustive, mais peut servir de point de départ à votre réflexion :
Critères | Avantage "Buy" | Avantage "Make" |
---|---|---|
Coûts initiaux | Faibles (licences/API) | Élevés (infrastructure, R&D) |
Coûts à long terme | Dépendance fournisseur, coûts récurrents | Potentiel d’économies à long terme |
Time-to-market | Rapide, déploiement immédiat | Plus lent, développement progressif |
Personnalisation | Limitée, dépend du fournisseur | Forte, alignée sur vos besoins métiers |
Intégration | Simplifiée, plug-and-play | Sur-mesure, mais plus technique |
Adoption interne | Facilités par outils reconnus | Requiert formation, accompagnement au changement |
Évolutivité | Dépendante du fournisseur | Totale, mais nécessite des compétences internes |
Recommandations pratiques
- Commencez par évaluer vos objectifs stratégiques : Quels sont les usages cibles de l’IA générative dans votre entreprise ? Quelles sont les priorités (réduction des coûts, rapidité, personnalisation) ?
- Testez des solutions existantes : Avant de lancer un développement complexe, faites des tests avec des outils du marché. Cela vous permettra de vous familiariser avec la technologie, de comprendre les attentes des utilisateurs, et d’identifier vos points de différenciation internes.
- N’hésitez pas à vous faire accompagner par des experts : Qu’il s’agisse de cabinets spécialisés en IA (comme Atomly AI) ou de partenariats avec des fournisseurs, un accompagnement expert peut vous éviter des erreurs coûteuses, accélérer votre prise de décision, et vous aider à déployer une solution adaptée à vos besoins.
- Considérez les stratégies hybrides : Le "meilleur des deux mondes" existe. Commencez par acheter pour gagner en rapidité, puis internalisez certaines briques pour gagner en maîtrise, ou inversement. La flexibilité est souvent la clé d’un succès durable.
En définitive, le "make or buy" en IA générative n’est pas une simple opposition, mais une opportunité de construire une stratégie technologique et organisationnelle sur-mesure. L’objectif est de maximiser l’impact de l’IA sur votre activité, de minimiser les risques et, surtout, de s’assurer que vos utilisateurs finaux — vos collaborateurs, vos clients — adoptent pleinement ces outils. C’est un chemin qui nécessite de la réflexion, de l’expérimentation, et une vision à long terme. Mais c’est aussi une formidable occasion de renforcer l’agilité, l’innovation et la valeur ajoutée de votre entreprise. Et chez Atomly AI, c’est exactement le type de défi que j'aime relever aux côtés de mes clients.